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Calvaire et ‘’jonglage’’ des joueuses de Guinness Super League…

Depuis l’avènement de la Guinness Super League, être « footballeuse professionnelle » au Cameroun est gratifiant et fait des envieuses. C’est un titre réservé à la crème de la crème, l’élite de notre football féminin. Mais, peu de personnes savent réellement de quoi est fait le quotidien d’une footballeuse dite « professionnelle » au Cameroun.

 

 

Le lancement du premier championnat professionnel féminin camerounais le 14 novembre 2020 baptisé Guinness Super League a suscité beaucoup d’espoir. Pour les joueuses, il était synonyme de fin des moqueries et quolibets, fin de la précarité et surtout du versement d’un salaire mensuel. Mais bien au-delà elle venait consacrer la reconnaissance sociale. Après trois saisons pleines, le constat est plutôt alarmant. Les joueuses sont seules et continuent de vivre dans la plus grande précarité.

 

‘’Une joueuse de Guinness Super League payée régulièrement vit en réalité avec vingt-cinq mille francs CFA (25 000 XAF) par mois’’

  

Armelle Fabiola MAFFO SEHE, sociétaire d’AS Fortuna, équipe de Guinness Super League que nous avons rencontré et qui nous a servi de guide explique que « les salaires lorsqu’ils arrivent sont d’abord amputés des charges bancaires puis de diverses primes imposées par le club qu’il faut reverser au staff technique et/ou aux coéquipières qui ne figurent pas dans le fichier des salaires fourni à la fédération par le club. En réalité une joueuse vit avec vingt-cinq mille francs CFA (25 000 XAF) par mois » conclut-elle. En définitive, cette somme est largement en dessous du salaire minimum garanti par l’Etat Camerounais qui se situe entre quarante-cinq et soixante mille francs CFA.

Comment vit-on avec vingt-cinq mille francs CFA/mois lorsqu’on doit payer un loyer, se nourrir comme une athlète de haut niveau, se rendre aux entrainements quatre fois par semaine et entretenir son corps de jeune ?

 

’ À mes heures perdues, je travaille comme maçonne dans une fabrique de parpaings’’

 

A cette question Armelle Fabiola répond « on jongle ». Derrière son sourire qui ne la quitte presque jamais, on perçoit beaucoup de tristesse pour elle qui jadis a fréquenté les sélections nationales. Derrière le verbe « jongler » se cache toute la misère du football féminin camerounais qui expose les joueuses à toutes sortes d’abus pouvant provenir tant des dirigeants et encadreurs que du monde extérieur. Pour vivre leurs rêves, certaines ont tout abandonné et parfois rompu tout lien avec la famille. Comme si cela ne suffisait pas d’autres ont par-dessus le marché la charge d’un ou deux enfants.  Il est donc fréquent qu’elles se livrent à des activités peu recommandables ou qu’elles cèdent à des propositions indécentes émanant soit des entraineurs et autres dirigeants, juste pour un repas. Comment ne pas céder si le salaire qu’on reçoit ne permet pas de couvrir ses charges incompressibles qui s’élèvent à environ 70 000 FCFA à savoir :

 

  • Loyer mensuel : 10 000 FCFA ;
  • Nourriture : 1 repas/jour de 1500 CFA soit 45 000 CFA/mois
  • Transport : 4 séances d’entrainement par semaine soit 16 jours/mois. Prix du Transport/jour 1000 CFA, soit 16 000 CFA/mois

 

Armelle Fabiola avoue qu’elle aussi aurait pu céder, mais qu’elle a préféré se livrer aux activités de maçonnerie à ses heures perdues. En effet, elle apporte occasionnellement sa collaboration a une fabrique de parpaings de brique de terre.

Comment fait-on pour continuer à garder l’espoir lorsqu’on vit dans une aussi grande précarité ? Peut-on avoir des projets pour l’avenir ? Peut-on envisager une vie affective stable ?

 

‘’ Être appelée en sélection, c’est le graal, là-bas c’est le pactole’’

 

Pour Armelle Fabiola, l’espoir ne viendra malheureusement pas du côté des clubs.  Ils ne font rien pour améliorer leurs conditions de travail et de vie. Ils se contentent au contraire de les mettre sous pression pour que la loi de l’omerta perdure. Malgré cette situation de grande misère, elle reste optimiste et nous révèle que le salut viendra peut-être d’une sélection nationale qui fera appel à ses services. Elle déclare nostalgique « J’ai eu la chance en 2018 de participer à une Coupe du Monde dans la catégorie cadette au Brésil. Lorsque je suis revenu de là-bas j’ai eu assez d’argent pour acquérir une parcelle »

 

Sur le plan sentimental, c’est le vide. Armelle Fabiola, affirme qu’il est très difficile d’être joueuse et d’entretenir une vie sentimentale stable. C’est pourquoi la majorité préfère rester seule.  Elle avoue à demi-mot que leur situation de précarité et le rythme d’entrainement rendent quasi impossible toute liaison stable. Toutefois, ses yeux s’éclairent lorsqu’elle nous parle de sa volonté dans un avenir proche de fonder un foyer et d’avoir des enfants.  Même si elle tempère immédiatement en confessant que « concilier la grossesse, puis la maternité dans notre environnement actuel est très difficile » /

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